« Le monde est séparé en 2, d’un côté, il y a l’addition, et de l’autre la multiplication ! », voilà comment je résume les différences entre ces deux opérations (et leur inverse respective, la soustraction et la division). Évidemment, une fois que la puissance a été introduite, le monde se sépare en 3.

Les méthodes de calcul, les définitions, les propriétés, tout est différent entre ces « mondes » mais les élèves mélangent régulièrement et allègrement les règles. Un peu comme si l’on jouait au football avec les mains, comme au basket. Mon rôle est alors de remettre les choses en ordre et pour cela, je leur parle à chaque fois de ces « mondes » à ne pas mélanger.

Voici donc, en vrac, la liste des erreurs récurrentes qui ont comme origine cette confusion. Et ce sont généralement des erreurs difficiles à faire disparaître tellement elles sont ancrées profondément :

ErreurExplication
confusion périmètre et aireLes élèves n’associent pas le périmètre avec l’addition et l’aire la multiplication. Dans tous les manuels du monde, on demande de calculer l’aire et le périmètre. On mélange presque systématiquement ces deux grandeurs (qu’on sépare du volume, pourquoi ?), j’ai d’ailleurs détaillé cela dans un autre billet. De plus, à l’école primaire, on calcule des périmètres de quadrilatères particuliers (périmètre d’un rectangle, d’un parallélogramme, etc), les élève associent donc le périmètre à la forme, ce qui est contreproductif : pour un périmètre, la forme (2D) n’importe pas, seule la ligne compte (1D).
\(7^2 = 14\)
\(\sqrt{36}=18\)
Même genre d’erreur que \(4\cdot 5=9\), bien que cette dernière n’arrive que rarement. Le problème, c’est qu’on ne fait pas souvent des puissances et des racines, et les élèves ont tendance à noter \(7\cdot 7\) au lieu de \(7^2\), pour calculer l’aire d’un carré par exemple.
Je fais donc apprendre à tous mes élèves, de la 9CO à la 11CO, les carrés et cubes parfaits par coeur, comme du livret. S’ils ne font plus \(5+5+5\) pour faire \(3\cdot 5\), c’est qu’ils ont appris le livret. On peut faire pareil pour les puissances et ne plus passer par la multiplication. Évidemment, pour les plus grandes puissances, je recours à la calculatrice (attention à forcer les élèves à utiliser le symbole ^ et non pas la multiplication). Pareil pour les racines, le côté d’un carré, c’est la racine de son aire et non pas « Combien foit lui-même donne l’aire ? ». \(x\cdot x=2x\) Et toutes les autres erreurs du même genre, comme \(5x+3x=8x^2\) ou \(2x\cdot 8x=16x\). Les élèves confondent allègrement les méthodes. Cette erreur est fastidieuse à éliminer, et en général je fais rappeler par écrit les techniques de calcul pour l’addition et la multiplication. J’utilise aussi des espèces de traductions légèrement absurdes : \(5a+9a\) devient « 5 abricots + 9 abricots ça reste des abricots » ou \(5a\cdot 9a\) « 5 abricots fois 9 abricots donne des abricots au carré »
la longueur d’un segment de deux parties \(a\) et \(b\) vaut \(ab\)En voyant \(a\) et \(b\), le réflexe est de dire \(ab\). À ce moment, l’élève ne réfléchit pas, je lui fais donc remplacer les lettres par des valeurs. Dans une situation numérique, il ne fait pas de multiplication, mais pourquoi avec des lettres le fait-il ?
\(x^3+x^4=x^7\)D’autres propriétés sont évidemment confondues, en particulier \( (a+b)^2=a^2+b^2\). Voici ma méthode actuelle : « Le monde de la multiplication, c’est le monde des bisounours, on peut généralement faire ce qu’on aurait envie de faire. Par contre, le monde de l’addition, c’est bien plus complexe et on ne peut jamais faire ce qu’on aurait envie de faire. ». Les propriétés fonctionnent toujours avec du fois, mais jamais avec du plus. Oui, c’est un peu généralisé, mais ce n’est quand même pas si faux !
D’ailleurs, avec les fractions, c’est pareil : \(\frac{2}{3}\cdot \frac{4}{5}=\frac{2\cdot 4}{3\cdot 5}\), par contre \(\frac{2}{3}+ \frac{4}{5}\neq \frac{2+4}{3+5}\)
\(-6+12=-6\) ou \(-6+12=-18\)Souvent, l’élève explique sa méthode de la façon suivante : « Il y a un moins et un plus donc la réponse est négative. ». Après, il faut le calcul dans un sens ou dans l’autre, ce qui ne change pas grand-chose, l’erreur la plus importante étant la réflexion sur le signe.
Je présente l’addition comme « gagné/perdu », mon exemple deviendrait donc « j’ai perdu 6 francs et gagné 12 francs ». La question qui suit, pour le signe, c’est donc « Ai-je plus gagné ou perdu ? ». Aucun élève ne fait faux, si je lui pose la question de cette façon. Le problème, c’est qu’ils ne se la posent pas.

On a tellement insisté sur la règle des signes qu’ils veulent l’appliquer partout. Là aussi, comme ci-dessus, le monde de la multiplication, c’est les bisounours, mais pas celui de l’addition… Agrandissement d’une forme : j’ajoute la même valeur à tous ses côtés L’exercice du « Puzzle » (genre tangram) que les élèves doivent agrandir de sorte que le côté qui fait 4 cm fasse 6 cm. Pour eux, le côté qui fait 7 cm devient 9 cm et non pas 10.5 cm.

La proportionnalité, c’est de la multiplication. Il n’y a pas grand-chose à dire de plus. L’addition, ça déforme, la multiplication ça ne déforme pas. Ça paraît simple, et pourtant…