L'étude de l'électricité au cycle d'orientation n'est pas très évidente dès qu'on quitte les petit circuits rigolos pour parler des lois. Comment ne pas perdre les élèves en grandes théories et les faire se raccrocher à leur réalité quotidienne ? Un exemple d'activité ou chaque élève devrait se sentir concerné puisqu'il travaillera sur son propre appareil électrique qu'il aura choisi dans sa cuisine, son garage ou sa salle de bain !

Difficultés

L’électricité, c’est un cours assez sympathique à donner : on manipule, on construit des circuits, c’est magique, ça s’allume, le moteur tourne dans un sens puis dans l’autre, on dérive, on mesure des grandeurs et là ça commence à se compliquer… Tension, intensité, puissance, résistance, liens entre ces grandeurs, nouvelles unités de mesure peu connues ! C’est un moment charnière dans le cours, où l’on peut facilement perdre la moitié de la classe si l’abstraction devient trop grande, si le lien avec le concret disparaît.

La tension et l’intensité

Deux grandeurs essentielles, mais très abstraites : comment voir, sentir, se représenter la tension et l’intensité (sans mettre les doigts dans la prise, bien sûr…) ? Évidemment, il y a la définition de chacune de ces grandeurs (U=différence de potentiel, I=débit d’électron, et là je vulgarise déjà passablement). Mais ça ne suffit généralement pas. Vient alors une sympathique analogie souvent utilisée, la chute d’eau (avec éventuellement une pompe comme dans une fontaine d’appartement) :

  • la tension est comparée à la hauteur de chute
  • l’intensité est comparée au débit d’eau

Et ça marche bien, les lois sur la tension et l’intensité, en série et en dérivation sont mémorisée aisément en imaginant des cascades les unes après les autres (série) ou en parallèle (dérivation). De plus, le danger d’un grand débit (grande intensité) est aussi rapidement compris, de même qu’une chute très haute n’est pas forcément dangereuse si un petit filet d’eau coule (électricité statique, par exemple).

La puissance

On ajoute une troisième grandeur, la puissance, déjà étudiée dans le chapitre « Énergie », et une nouvelle loi :

P = U · I

Là encore, on peut s’aider d’une chute d’eau, se remémorer des moulins à eau de nos grands-parents (heureusement, il y en a encore plusieurs dans le coin) qui ont besoin, pour développer toute leur puissance, d’une certaine quantité d’eau tombant d’une certaine hauteur. Comme pour l’électricité.

Retomber sur terre

C’est bien joli, tout ça, mais malgré l’analogie hydraulique, toutes ces grandeurs, ces lois, ces mesures sont peu concrètes pour les élèves. Une fois rentrés à la maison, ils ne connaissent finalement pas grand-chose de plus sur le fonctionnement de leur installation électrique domestique. J’ai donc imaginé, pour faire entrer un peu de leur maison au cours de sciences, l’activité suivante :

  • les élèves choisissent chez eux un appareil électrique (non, pas besoin de le transporter à l’école, bien que ça aurait été sympathique d’essayer de faire sauter les plombs pour voir si nos calculs sont justes…) ;
  • ils prennent en photo l’étiquette électrique de celui-ci ;
  • ils m’envoient la photo par courrier électronique (ça c’est juste pour l’exercice, ils pourraient aussi l’imprimer ou simplement relever ce qui y est noté) ;
  • je m’occupe de l’impression et chacun travaille en classe sur son propre appareil.

Exemples

Voici trois exemples d’étiquettes reçues :

etiquette1.jpgetiquette2.jpgetiquette3.jpgLa première indique la tension, la puissance et la fréquence, la deuxième indique en plus l’intensité tandis que la troisième a été photographiée sur un transformateur. Il y est donc inscrit le courant qui entre (230V, alternatif, 50Hz) et celui qui ressort (9V, continu, 500mA).

Dans un exercice comme celui-là, on ne sait donc pas sur quoi on va tomber. J’avais dit d’éviter de prendre un transformateur en photo, mais il est clair qu’ils ne savent pas tous de quoi je parle ! Même en leur proposant plutôt de l’électroménager ou une machine électrique, on voit que certains ont préféré leur téléphone portable. Accepter cela, c’est la condition pour ce genre d’activité, et c’est d’autant plus intéressant pour une fois que l’exercice n’est pas trop scolaire.

Qu’en faire

Une fois les étiquettes reçues dans ma boîte mail, j’ai préparé un document où chaque élève est amené à lire, comprendre, interpréter sa propre étiquette, et à faire quelques calculs afin d’appliquer ces lois si abstraites. Les questions posées sont assez simples :

  • Puissance =
  • Tension =
  • Intensité =
  • Résistance =
  • Nombre d’appareils de la même puissance sur un fusible (disjoncteur) de 13A
  • Consommation électrique durant 12h
  • Coût de cette consommation

Puisqu’en général, on trouve sur les étiquettes la tension et la puissance, les élèves utilisent la formule P=U·I pour calculer l’intensité, et la loi d’Ohm U=R·I pour la résistance. Le lien avec le fusible est établi dans le but de se rendre mathématiquement compte des « plombs qui sautent », phénomène sûrement vécu par chacun d’entre eux. Et le coût, calculé avec une moyenne de 0.25fr le kWh, est la grandeur la plus concrète qui soit pour des élèves de 15 ans…

Comme remarqué un peu plus haut (et d’entente avec le concierge…), ce serait encore plus intéressant de vérifier l’intensité maximale admise par le fusible, et d’avoir les appareils étudiés avec soi pour tester si ce que la loi dit est vrai. Les élèves devraient par exemple mettre le maximum d’appareil en marche sur la même prise sans faire sauter le disjoncteur. Un sacré défi !

Réalisation « technique » du document

Pour que chaque élève travaille sur sa propre étiquette, que j’ai, je le rappelle, reçue par courrier électronique, j’ai préparé un document (avec LibreOffice Draw) où chaque feuille A4 est coupée en 4, et contient donc 4 fois les questions toutes prêtes, du genre « Puissance = ». Le prénom de l’élève est noté au-dessus des questions, et j’ajoute dans un coin du quart de feuille la photo qu’il m’a envoyée. Ainsi, chaque élève reçoit en classe un bout de papier grandeur A6, sur lequel se trouvent les questions et l’étiquette de son propre appareil.

Ce n’est pas un travail gigantesque pour moi, puisque j’ai préparé une feuille puis copié-collé. Il ne reste qu’à mettre le nom de chaque élève, puis au fur et à mesure que je reçois les photos de les ajouter au bon endroit.

Mais comme je suis gentil, je mets ci-dessous le document à disposition. Évidemment, il va falloir modifier ou effacer le prénom des élèves ! Mais toutes les photos sont là. Sur leur cahier, en plus de coller la feuille contenant les questions, je leur ai aussi fait ajouter le nom de l’appareil choisi afin que les grandeurs lues ou calculées soient rattachées à quelque chose. Ainsi, ils auront un point de comparaison s’ils tombent un autre jour sur une autre étiquette électrique.

Et les élèves qui n’ont pas envoyé de photo ?

Eh bien pour une fois, c’est tout simple : ceux qui n’ont pas fait leur devoir (pas pris la photo ou pas réussi à l’envoyer), je ne les sauve pas. Ce n’est peut-être pas très sympathique ni éthique, mais ça a le mérite de mettre un peu plus d’importance que d’habitude à ce qu’on leur demande. Ceux qui étaient dans ce cas n’ont pas reçu de document et ont donc dû se prendre en main pour avoir quand même dans leur cahier quelque chose qui reste : prendre des notes, travailler avec le voisin, recopier les questions, etc.

Documents joints